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  • TABITABIYA

TOMBE SOUS LE CHARME DU SHIN-HANGA ...

Le monde de l'estampe japonaise Ukiyo-E 浮世絵 (image du monde flottant ) a conquis les coeurs au-delà des frontières de l'Archipel. Souvenons-nous du Japonisme et de toutes les estampes que l'on peut voir dans la maison de Claude Monet à Giverny.


Et un jour, alors que je passais du temps ,sur Internet, à la recherche d'une estampe de fleurs d'iris pour pouvoir illustrer l'article du blog de Tabitabiya sur cette fabuleuse fleur, je suis tombée sur un petit bijou ! Un véritable trésor ! Le blog de Serge Astieres sur le Shin-Hanga. Tout de suite, j'ai contacté Serge pour lui demander l'autorisation d'utiliser une de ses estampes comme illustration. Et depuis, sa gentillesse m'a permise de vous faire découvrir des beautés de l'art japonais de l'estampe. C'est donc tout naturellement que l'idée de l'interviewer me trottait dans la tête. C'est chose faite !


Découvrons cet homme passionné, Serge Astieres !




1) Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec l'art de l'estampe japonaise ?

J’ai commencé à m’intéresser au Japon en terminale après avoir lu le roman Shogun de James Clavell. Cela paraissait tellement exotique…. Après le bac, je me suis inscrit aux Langues’O en cours du soir en complément de mes études et me suis lancé dans le japonais. La période Meiji et la rapidité de l’occidentalisation du Japon m’ont fasciné.… Après un premier voyage de découverte de plusieurs mois, j’ai eu l’occasion de retourner au Japon et, peu à peu, je me suis intéressé à l’art japonais et aux estampes en particulier. Les estampes Shin-Hanga sont une image d’un Japon disparu, sans doute idéalisé, en tout cas un Japon nostalgique…..

Ce qui me fascine aussi avec les estampes, c’est comment on arrive à transférer sur un papier le côté brillant et le volume d’une chevelure, le soyeux d’une étoffe, la clarté de la lune ou la douceur d’un crépuscule. Quand on a une estampe dans les mains, il y a un aspect tridimensionnel tactile avec la rugosité du papier végétal et les pleins et déliés des gaufrages des impressions successives qui est incomparable.


2) Pourquoi le Shin-Hanga en particulier ? Pouvez-vous brièvement nous rappeler qu'est-ce que le Shin-Hanga ?

Au départ, ce sont les estampes de paysage de Hiroshige (La route du Tokaido) et de Hokusai (Les 36 vues du Mt.Fuji) qui m’ont attiré. Mon enfance a été nourrie par la BD franco-belge (Astérix, Blueberry, Blake et Mortimer,,….) et en explorant plus avant les estampes du 20ème siècle, je me suis rendu compte qu’il y a une grande similitude entre les estampes Shin-hanga et la BD, par exemple celles de Asano Takeji.


Estampe japonaise d' Asano Takeji – Pleine lune au Temple Mii (1950)

Asano Takeji – Pleine lune au Temple Mii (1950)

Le Shin-hanga est un mouvement pictural des années 1920 à 1960 débuté par un éditeur de Tokyo (Watanabe Shosaburo) qui voulait reprendre la tradition des estampes du 19ème siècle avec une approche plus moderne, inspirée par la peinture occidentale et destinée originellement aux touristes et à l’export. C’est d’ailleurs encore aujourd’hui aux USA que se trouve le plus grand marché du Shin Hanga. L’artiste emblématique de ce mouvement est Kawase Hasui (1883 – 1957).


Estampe de Kawase Hasui – Neige au Sanctuaire Inokashira Benten (1929)

Kawase Hasui – Neige au Sanctuaire Inokashira Benten (1929)

Ce qui est important dans l’art des estampes traditionnelles et du Shin hanga, c’est le partage du travail et la spécialisation des tâches. L’éditeur finance, l’artiste dessine, le graveur sculpte les blocs de bois et l’imprimeur imprime les différentes copies. Chaque artisan est un artiste dans sa spécialité et l’œuvre finale est le résultat de leur talent respectif. L’éditeur publie une première édition de 200 copies. Si l’estampe a du succès, plusieurs centaines d’autres copies peuvent être imprimées. La valeur d’une première édition (quand elle peut être identifiée) est souvent bien supérieure aux éditions ultérieures.


3) D'admirateur à collectionneur, il y a un grand pas. Qu'est-ce qui vous a amené à le franchir et que faites-vous des reproductions que vous avez chez vous ?

La collection a commencé bien modestement avec des reproductions d’estampes d’Hiroshige achetées au Japon. Ma première est un triptyque (Vue de Kanazawa) qui est toujours l’une de mes préférées…… Avec l’arrivée de l’internet et avec un peu plus de moyens, j’ai commencé à acheter sur Ebay, aux Etats-Unis, où je travaillais à l’époque et cela fait bientôt 20 ans que cela dure…… J’achète en moyenne deux estampes par mois. Je les scanne et les range dans des classeurs dédiés. Je les publie sur mon site au rythme d’une par mois pour les Shin-hanga et deux fois par an pour les estampes classiques ou modernes.


4) Entre les débuts de votre passion et aujourd'hui, comment votre regard a-t-il évolué sur le Shin-Hanga ?

J’ai d’abord été attiré par les paysages. J’ai récemment étendu mon intérêt vers les portraits et le théâtre Kabuki. C’est un univers auquel je vais me consacrer à l’avenir, mais les recherches sont plus difficiles et demandent plus de temps, donc c’est parfois un peu compliqué….. Mais il y a une telle symbolique sur chaque personnage, ses habits ou kimonos, ses attitudes, etc… que je me fais un plaisir d’essayer de comprendre et de partager.


5) Qu'est-ce qui vous plaisait le plus autrefois et qu'est-ce qui vous plaît le plus maintenant que vous êtes plus expert ?

D’abord je n’ai pas la prétention d’être un expert… En premier lieu, je m’amuse ! Je découvre souvent de nouveaux artistes, parfois obscurs ou oubliés et j’aime partager ces découvertes. J’ai aussi un peu plus de moyens maintenant, donc j’ai accès à des estampes plus rares. Mais c’est aussi le développement de l’internet qui ouvre des possibilités incroyables avec accès à des sites dans le monde entier, notamment au Japon. Les artistes favoris des japonais sont souvent différents des artistes préférés dans les autres pays. Peut-être une vision différente, sans doute des référents que nous ne comprenons pas, ou simplement une méconnaissance, je ne sais pas……


6) Question piège : si vous deviez choisir une et une seule estampe, laquelle serait-ce ?

Oui, c’est une question piège. Et une question à laquelle j’aurais donné une réponse différente au fil des ans…. Aujourd’hui si je devais choisir UNE estampe dans ma collection, ce serait « Pupille » un portrait de Kobayakawa Kiyoshi de 1931. Quelle délicatesse dans le trait ! Quel talent de la part du graveur pour la finesse des cheveux ou le détail des tissus ! Quelle maitrise de l’imprimeur pour le gaufrage de l’écharpe ou la douceur du regard !


Estampe de Kobayakawa Kiyoshi - Pupille

Kobayakawa Kiyoshi - Pupille



Si je devais choisir deux ou trois estampes que je n’ai pas encore et que je voudrais ajouter à ma collection, ce serait une première édition de Soirée de pluie à Beppu par Hirano Hakuho (1936) (quelle délicatesse !)


Estampe de Hirano Hakuho – Soirée de pluie à Beppu

Hirano Hakuho – Soirée de pluie à Beppu


ou la vue d’Enoshima de la chambre d’un ryokan par Kawase Hasui (1952) (je m’imagine profiter de la douceur d’une soirée d’été…)


Kawase Hasui – Enoshima (1952)

ou encore un bateau de pêche à Morigasaki par Tsuchiya Koitsu (1931) (comme une aquarelle………)


Tsuchiya Koitsu – Morigasaki (1931)


7) Pour nos lecteurs qui souhaiteraient aller plus loin vers l'univers du Shin-Hanga, pourriez-vous nous donner des références livre, de noms de personnes, de lieux au Japon, de vidéos, de documentaires, etc... ?

Mon premier réflexe est de vous donner l’adresse de mon blog où vous trouverez tous les références bibliographiques (https://sites.google.com/site/printsshinhanga/). Pour les livres, il y a peu de choses en français. Les deux livres que je recommanderais pour débuter sont : « Shin Hanga, the new print movement in Japan » par Barry Till, pas cher et très bien illustré et d’autre part, «De Ukiyoe à Shin-hanga, l’art des gravures sur bois ». Il est plus difficile à trouver et la traduction française est indigente, mais il donne une bonne perspective historique. En France, il y a quelques galeries/sites qui vendent des estampes Shin-hanga, mais c’est souvent assez cher. J’aime bien ce qu’essaie de faire Bettina Vannier (http://www.artmemo.fr) avec son approche assez didactique. En Europe, le musée à visiter sur les estampes du 20ème siècle est à Amsterdam : Nihon no hanga (http://www.nihon-no-hanga.nl/) magnifique collection privée de Mme.Elise Wessels. Cette collection est en cours de donation au RijksMuseum qui en a édité un catalogue : Modern Japanese prints par Marije Janssen.

Enfin pour ceux qui s’intéressent aux estampes en général et la technique, il faut absolument visiter le site de David Bull (www.woodblock.com) , un artiste canadien installé à Tokyo et qui partage tout sur son art, des reproductions traditionnelles aux estampes plus contemporaines. Il a sa galerie-atelier à Asakusa où vous pouvez aussi participer à une « Print party », façon amusante de faire votre première estampe (voir https://mokuhankan.com/parties/index.php)


8) Parlez-nous de votre blog !

J’ai fait plusieurs blogs sur le Japon et les estampes. Le premier est en français (https://sites.google.com/site/estampesjaponaises/) et est assez généraliste sur les estampes et est celui dans lequel j’expose les estampes du 19ème siècle et les estampes modernes. J’y consacre moins de temps maintenant et le mets à jour deux fois par an.

Le deuxième consacré au Shin-hanga (https://sites.google.com/site/printsshinhanga/) est bilingue français-anglais et j’y expose ma collection d’estampes Shin-hanga avec une nouvelle estampe au début de chaque mois.

L’idée pour ces deux sites est de partager ma passion, communiquer, d’essayer de créer une communauté autour des estampes. Ils m’ont permis de rencontrer d’autres collectionneurs, en France et dans le monde entier, ou des gens qui s’intéressent au Japon et aux estampes comme vous-même. Je reçois assez souvent des demandes d’identification (estampe trouvée dans un grenier par exemple) ou des conseils d’achat. J’essaie de toujours répondre assez rapidement. Mais je ne fais pas d’évaluation, ce serait aller au-delà de mon rôle….


9) Espace libre ! Parlez-nous de ce que vous voulez !

Au-delà de ma collection, j’aimerais partager davantage et faire connaître le monde merveilleux des estampes. J’ai aussi pour ambition de reprendre le japonais, que j’ai maintenant bien oublié et voyager davantage au Japon. Notamment, j’ai écrit un blog sur la route du Kisokaido sur les traces de Hiroshige, une route qui va de Tokyo à Kyoto en passant par les montagnes, la parallèle de la fameuse route du Tokaido, route moins bien connue, mais mieux préservée. Pour partir à la rencontre du Japon ancien…….

Il y a donc un blog en francais (https://sites.google.com/site/routenakasendo/)

J’ai relié quelques étapes il y a bien longtemps et j’aimerais faire tout l’itinéraire à mon rythme quand je prendrai ma retraite…….


Merci de m’avoir donné l’occasion de parler de ma passion, en espérant que cela suscitera des vocations. Tous mes vœux pour le succès de Tabitabiya………..


Non non ! Un grand merci à vous, Serge, pour tout le temps que vous avez bien voulu consacrer à cet entretien. Je suis vraiment très admirative de vos blogs !


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