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FUJI, FILLE DU JAPON

"Two women admire wisteria blossoms", ca. 1890s. Genkyu-en Garden (玄宮園) in Hikone near Kyoto. Hand-colored Salt Print by an unknown Meiji-era photographer. Genkyu-en Garden is a Japanese chisenkaiyu-style (池泉廻遊) garden (with a path meandering through the garden around a central pond). It was built on the grounds of Hikone Castle in 1677. (Okinawa Soba)


"Two women admire wisteria blossoms", ca. 1890s. Genkyu-en Garden (玄宮園) in Hikone near Kyoto. Hand-colored Salt Print by an unknown Meiji-era photographer. Genkyu-en Garden is a Japanese chisenkaiyu-style (池泉廻遊) garden (with a path meandering through the garden around a central pond). It was built on the grounds of Hikone Castle in 1677. (Okinawa Soba)

Depuis la nuit des temps, à peine les fleurs de cerisiers sont-elles éparpillées par le vent, que la glycine vient inonder l’Archipel de sa beauté généreuse, vigoureuse, mais discrète et toute en subtilité.


Fuji 藤 , ou Wisteria Floribunda, d’avril à début mai, vient colorer les forêts du Japon, où elle s’enroule autour des arbres voisins dans une étreinte serrée.


Fuji, glycine en fleur au Japon


Fuji 藤, née au Pays du soleil levant. Figure féminine souvent comparée à une femme drapée dans son kimono, il y a-il une autre fleur qui aura autant pu se lover au coeur de la culture japonaise ? Fille du Japon, depuis les temps les plus anciens, elle aura inspiré multitudes d’artistes et d’œuvres. Figure poétique d’un printemps qui se meurt pour laisser place à l’été, elle est souvent évoquée sous le nom de « Fujinami » 藤波, vague de glycine, une vague de glycine accompagnée par le chant du Petit Coucou Hototogisu ホトトギス, annonciateur de l'été. Voici une vidéo sur Youtube, si vous souhaitez vous régaler de son chant : https://www.youtube.com/watch?v=Zm9-TaWCWRM


Le Man'yōshū 万葉集 (« recueil de dix mille feuilles ») et première anthologie de waka 和 (poésie japonaise, daté des environs de l’An 760), est toujours là pour en témoigner. Plus d’une trentaine de ses chants poétiques invoquent la glycine, qui figure d’ailleurs en couverture de ces deux ouvrages sur ce recueil poétique de grande ampleur :

LES PLANTES DU MAN.YO.SHU CLAUDE PERONNY

Man'yōshū 万葉集

















Ici,vous pourrez retrouver ces œuvres et chansons d’antan célébrant la glycine dans le Man'yōshū 万葉集 : http://www6.airnet.ne.jp/manyo/main/flower/fuji.html


Prenons ce poème de Poème de Ohotomo no Yakamochi 大伴 家持 à qui l'on doit, précisemment, le recueil du Man'yōshū 万葉集 :

Ce poème est le 4192ème. et date de 750 ... Bien qu'apparemment écrit en automne, vous y retrouvez le teint de pêche des jeunes filles dont je vous ai parlé dans la série consacrée à Hina-Matsuri sur le blog, le coucou Hototogisu et la glycine Fuji....

"Sur leurs doux visages, Resplendissants De l'incarnat Des fleurs de pêchers, Un sourire arquant Leurs sourcils, délicats Comme feuilles de saules, Pour contempler leur image matinale, Les jeunes filles Tiennent en main Un clair miroir Sur le mont Futa-gami Aux vallées où abondent Les arbres nombreux, Sa voix résonne Quand il passe, le matin, Et la nuit, au clair de lune, Dans la plaine indistincte Tout au loin Quand il se faufile, Le coucou chanteur, Ses coups d'ailes font tomber De l'ondoyante glycine, Des fleurs qui me sont si chères Que je les ramasse Et les égrène dans ma manche. Tant pis si elles la colorent."

Ohotomo Yakamochi

Issu de "Les plantes du Man-Yô-Shû" de Claude Péronny, Editions Maisonneuve et Larose dont vous pouvez voir la photo plus haut.


Prenons également ce tanka 短歌 de YAMABE Akihito 山部 赤人 extrait du 8ème rouleau du Man’yōshū (numéro 1741) :


恋しけば形見にせむとわが屋戸に植ゑし藤波いま咲きにけり

Koishi keba katami ni se muto waga Yato ni Ue weshi fujinami ima saki nikeri

La glycine dans mon jardin vient de fleurir...souvenir d'un amour cher...


Ce poème d’Akihito Yamabe 山部赤人 nous montre, d’autre part, que la glycine décorait déjà les jardins de l’aristocratie de l’époque. Bien que l’expression ne soit plus guère utilisée, 佳客 kakaku signifie « l’invité d’honneur». Et pour l’accueillir comme il se doit, la coutume voulait que les façades des maisons soient décorées de glycine dont la grâce des grappes tombantes, au printemps. On ne pouvait offrir meilleure vison à ce visiteur privilégié. C’est ainsi que la glycine était une figure commune des jardins japonais, mais une figure évocatrice de l'être aimé en poésie.


Sa couleur mauve obtint ses lettres de noblesses à l’époque Heian 平安時代 où les membres de la cour aimaient à la porter. Symbole du puissant clan des Fujiwara 藤原, des fêtes étaient même tout spécialement dédiées à sa floraison. N’est-ce pas une de ces fêtes que nous décrit le si célèbre « Dit du Genji » 源氏物語 de Murasaki Shikibu 紫 式部? Souvent considéré comme le premier grand roman psychologique de la littérature mondiale, le « Genjimonogatari »源氏物語 nous relate, en 54 chapitres, la vie et les amours du Prince Genji. Et, est-ce un hasard ? Ce jeune et beau prince tombe éperdument amoureux de Fujitsubo Chūgū 藤壺中宮, La Dame du clos aux glycines, et pour laquelle il nourrira une passion empreinte de culpabilité, car elle était la deuxième épouse de son père, l’Empereur. La véritable impératrice de l’époque, Fujiwara no Shōshi 藤原彰子, fille de Fujiwara Michinaga 藤原道長, et deuxième épouse de l’Empereur Ichijō 一条天皇, était elle-même surnommée Fujitsubo en raison des glycines de son jardin. Cette véritable Fujitsubo avait pour dame de compagnie Murasaki Shikibu elle-même en lieu de préceptrice.


http://editionsdianedeselliers.com/fr/livres/le-dit-du-genji-de-murasaki-shikibu

Tosa_Mitsuoki,_Portrait_de_Murasaki-shikibu,_Monastère_Ishiyama,_Ôtsu._©_Monastère_Ishiyama,_Ôtsu..jpeg



Fujiwara no Shōshi 藤原彰子



































源氏物語 Le DIT DU GENJI Le Prince Genji et Fujitsu, le soir sous les glycines

A l’époque d’Edo 江戸時代, environ 170 familles l’utilisaient pour comme motif pour leurs armoiries. Le croirez-vous ? Les armoiries de notre famille arborent un joli motif de glycines montantes.


Armoiries du clan Fujiwara photo par Mukai — Mukai's file, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6743540

armoiries du clan Fujiwara / image de Par Mukai — Mukai's file, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6743540


Cette glycine sur les armoiries du clan Fujiwara représente une glycine tombante, sagari fuji 下がり藤, qui relie le ciel et la terre, excellent symbole pour un homme de pouvoir.



Le croirez-vous ? Les armoiries de notre famille arborent un joli motif de glycines montantes.


A cette même époque, 大津Otsu, 53ème station de la route du Tokaïdō 東海道 et située au bord du lac Biwa びわ湖, était connue pour ses peintures populaires, les Otsu-E 大津絵, que l’on pouvait acheter comme souvenirs.



Hiroshige-53-Stations-Hoeido-54-Otsu-MFA-03.jpeg

L’une des plus célèbres d’entre elles, intitulée « la jeune fille aux glycines » Fuji Musume 藤娘, figurait une jeune fille tenant une branche de glycine sur son épaule. Elle donna naissance à une pièce de Kabuki du même nom jouée pour la première fois en 1826 et composée de 5 danses. Lorsque la danse commence, une jeune fille, portant un kimono à manches longues décoré de glycines, sort d'une peinture et essaie d'attirer l'attention d'un amoureux. La couleur de la branche de glycine qu’elle étreint s’appelle Yukari-no-iro 縁の色 ou Edo-murasaki 江戸紫 ( un violet profond symbole de l’union heureuse de la capitale avec l’Est) pour évoquer une personne aimée. Ses efforts, cependant, passent inaperçus et, dans la dernière scène de la danse, elle retourne le cœur brisé sur sa peinture.



Otsu-E Fujimusume

Dans cette pièce de kabuki (ici sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=sPgtX-ljHi4), l’on retrouve toute la symbolique poétique de la fleur de glycine. La glycine n’est pas seulement signe de vitalité, d’immortalité et de longévité. Dans bien d’anciens haïku, comparée à une femme drapée dans son kimono, la glycine est une image féminine, souvent synonyme de tendresse et d’amitié pour la glycine blanche, mais d’un amour éternel, exigeant et exclusif, passionnel donc mais triste aussi. Image romantique dotée d’un côté sombre, issue de la nature où la glycine enroule ses lianes autour des autres arbres. Dans la Chine ancienne, cette image était sans équivoque bien plus sexuelle.


L’image de la glycine a aussi pour pair celle du pin matsu 松, qui elle, est masculine. L’association des deux symbolise donc l’amour d’un homme et d’une femme. Et c’est ce même pin que l’on retrouve dans cette pièce de kabuki pour figurer cet amoureux dont Fuji Musume cherche à capter l’attention.


Symbole de vitalité, de fécondité et de longévité, Fuji 藤 est également une plante par nature vigoureuse qui vit sur plusieurs centaines d’années, voire des milliers d’années. Savez-vous que le Japon a la fierté de voir pousser sur ses terres la glycine la plus ancienne au monde? Une glycine majestueuse vieille de plus de 1200 ans et que l'on peut aller admirer au Parc Toku-En près de la station Ushi-Jima, dans la ville de Kasukabe, dans la préfecture de Saitama, non loin de Tokyo!


Glycine millénaire au Parc de Toka-En


Les glycines du Parc Ashikagawa あしかがフラワーパーク, dans la préfecture de Tochigi 栃木県, non loin de Tokyo elle-aussi, sont également largement admirées par des milliers de visiteurs chaque année, et le parc est mondialement renommé.


Glycine en fleur au Parc Ashikagawa

photo issue du site officiel du parc


Nous avions nous aussi l’intention de nous y rendre ce printemps pour participer à l’émerveillement collectif face à la beauté inégalable des fleurs de ce parc mais, pris par le temps, en cette période de Golden Week où il fait bon profiter d’un Tokyo vidé de sa foule, nous sommes finalement allés à Kameido Tenjin 亀戸天神社, dédié à Sugawara no Michizane 菅原道真 (845-903) et connu pour la floraison de ses glycines depuis l’Epoque d’Edo. Il fut célébré par bien des artistes dont Utagawa Hiroshige 歌川広重 . L’endroit est petit mais des plus charmant. Cette estampe représente la vue la plus célèbre de Kameido Tenjin, son pont-tambour otokobashi 太鼓橋, qui symbolise le passé.


l'intérieur du sanctuaire Kameido Tenjin (1857), de la série Cent vues d'Edo de Utagawa Hiroshige

l'intérieur du sanctuaire Kameido Tenjin (1857), de la série Cent vues d'Edo de Utagawa Hiroshige

crédit photo : Wikimédia

Fuji 藤 aura aussi inspiré le monde de la photographie japonaise avec ce cliché du photographe T. Enami, Enami Nobukuni 江南 信國, de son vrai nom:


"Wisteria over the window, and girls in a resting house", Tokyo ~ photographed by T. Enami (1859 -1929), Enami Studio Lantern Slide No.406. (Image: Enami - Gardens & Blossoms, Presbyterian Archives Research Centre, New Zealand)

"Wisteria over the window, and girls in a resting house", Tokyo ~ photographed by T. Enami (1859 -1929), Enami Studio Lantern Slide No.406. (Image: Enami - Gardens & Blossoms, Presbyterian Archives Research Centre, New Zealand)


Voici les photos que nous y avons prises ce soir-là. Elles sont moins artisitiques. Cette visite était intéressante car le lieu offre une très jolie vue sur la tour Sky Tree, la dernier née de Tokyo, dans une symbiose parfaite entre le Tokyo du passé et le Tokyo d'aujourd'hui.


Voici aussi les quelques photos que j'y ai glanées pendant ce moi de mai 2019 :

Glycines en fleur à Kameido tenjin à Tokyo, mai 2019, Tabitabiya boutique japonaise en ligne

Glycines en fleur à Kameido tenjin à Tokyo, mai 2019, Tabitabiya boutique japonaise en ligne

Glycines en fleur à Kameido tenjin à Tokyo, mai 2019, Tabitabiya boutique japonaise en ligne

Glycines en fleur à Kameido tenjin à Tokyo, mai 2019, Tabitabiya boutique japonaise en ligne

panneau montrant des glycines en fleur, fuju, sur le chemin à Kaleido Tenjin, à Tokyo, Tabitabiya boutique japonaise en ligne

Si la couleur de la branche de glycine qu’étreint Fuji-Musume s’appelle Yukari-no-iro 縁の色 ou Edo-murasaki 江戸紫, Fuji 藤 et les nuances des teintes de ses grappes ont inspiré tout un monde de couleur :

藤色(ふじいろ)fuji

青藤(あおふじ)aofuji

紺藤(こんふじ) konfuji

淡藤色(あわふじいろ)awafujiiro

藤鼠(ふじねずみ) fujinezumi

紅藤(べにふじ) benifuji

京藤(きょうふじ)kyofuji

薄藤色(うすふじいろ)usufujiiro

藤納戸(ふじなんど)fujinando

藤煤竹(ふじすすたけ)fujisusutake

藤紫(ふじむらさき)fujimurasaki, etc….

Si vous vous intéressez aux couleurs du Japon, nous vous conseillons de consulter ce site : http://irocore.com/

Monde de couleurs que l’on retrouve bien sûr dans le kimono où ce riche motif floral est l’un des plus prestigieux que l’on arbore pour les cérémonies les plus formelles vers la fin du printemps.


Kimono et haori au motif de glycine


Et pour retrouvez nos articles au motif de glycine, c'est ici : https://www.tabitabiya.com/product-page/chaussette-tabi-femme-2


Ces deux articles au motif d'hirondelles, Tsubame 燕, qui volent au milieu de grappes de glycines en fleur, Fuji 藤, renden hommage à une tradition de l'estampe japonaise : kacho 花鳥, association de motifs d'oiseaux à des motifs floraux. Notons aussi qu'ici et l'oiseau et la fleur sont symboles d'amour.


@TABITABIYA









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